L'Église Saint Etienne

 

"Mon gothique clocher est tombé sans retour .

Avec son lanternon et sa flèche hardie.

Sur lui se sont rués la foudre et l'incendie.

Il n'en reste debout que la base et la tour."

Abbé E. Pilté

LA CATASTROPHE - Samedi 18 Septembre 1937

LA FOUDRE TOMBE ET MET LE FEU A L'EGLISE

Comme de nombreuses fois, la foudre va s'abattre sur le clocher en ce samedi de septembre 1937, mais là, les dégâts seront de taille et le " Courrier de la Sologne" n'hésite pas à parler de "calamité" pour la région. Un journal de l'époque raconte :

"Quand nous pénétrons sur la place, de l'église, ce n'est plus qu'un amas de poutres enchevêtrées, pierres calcinées et quatre murs pantelants, seuls vestiges de ce beau monument classé monument historique. Toute la population de 1200 âmes est là, encore toute empreinte d'une terrible émotion : seul, M. ROUETTE, curé de la paroisse, avec une volonté et un courage surprenant, tient encore un seau à la main comme s'il voulait combattre avec énergie le terrible fléau qui, hélas, en quelques instants a anéanti tant de trésors et de vestiges du passé. »

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L'INCENDIE

L 'Abbé ROUETTE raconte :

http://www.pierrefitte-sur-sauldre.fr/img/cata2.jpg"Vers 14h15, un violent orage venait de l'ouest et s'abattait soudain sur la commune, orage qui ne devait cesser qu'à 15h30.
Un coup plus violent que les autres, alors que je me trouvais au presbytère, me fit tressaillir (une lueur fulgurante aveugla ceux qui, sans s'attendre à une si proche déflagration, regardaient le ciel). En effet, une de mes paroissiennes se trouvant à l'intérieur de l'église à ce moment, me fit connaître que la foudre était tombée sur le clocher, faisant voler quelques ardoises."

II était à ce moment 14h30. Un examen tranquillisa ceux qui craignaient qu'un incendie se déclarât : aucune fumée n'apparut. Les gens n'y portèrent pas plus d'attention, la foudre étant déjà à plusieurs reprises tombée sur ce même clocher muni d'un paratonnerre.

"Environ deux heures plus tard, alors qu'on oubliait déjà 1'événement, M. VIOT Joseph, chauffeur au service de M. BRECHEUX au château de Falase à Souesmes, jetant un coup d'oil sur le clocher, s'aperçut que de la fumée s'échappait des ouvertures situées à la hauteur des cloches. Il prévint le docteur BALLAND, lequel chargea un voisin, M. MORIN, d'alerter les pompiers. Durant ce temps, le docteur se munissant d'un extincteur, monta dans le clocher, avec MM.CHAUSSET et SOYER. Ils firent fonctionner l'appareil mais, hélas, ce dévouement resta vain et ils furent obligés de descendre. Environné de flammes, il (le docteur) sortit miraculeusement de la fournaise peu avant que le clocher ne s'écroulât.
Les gendarmes TARDIVEAU et LEBRUN, de Salbris, en tournée vers Pierrefitte, accoururent et organisèrent un précieux service d'ordre.
Bientôt arrivait M. VILLOING, Maire, entouré de ses adjoints. Puis les pompiers de Pierrefitte, sous les ordres du lieutenant AUDRY, se mirent énergiquement à 1'ouvrage.
Malheureusement, la violence de l'incendie était telle que leur intervention s'avéra insuffisante. On téléphona alors aux pompiers de Salbris sous le commandement du lieutenant GASSEL1N, puis à ceux de l'Entrepôt de Réserve Générale de munitions dont le puissant outillage pouvait seul combattre utilement ce formidable incendie qui trouvait dans l'amas de poutres formant la charpente du clocher et de la toiture un aliment particulièrement facile. En un temps relativement très court, toute la superstructure de la belle église fut la proie des flammes.
La maison habitée par Madame PARIS dut être évacuée devant le danger menaçant des poutres qui tombaient à proximité.
Ce fut avec un serrement de cour que l'on vit tout-à-coup le clocher qui ne formait plus qu'une immense torche s'abattre du coté où la place était la plus dégagée. Cette circonstance fit que l'en eut pas à enregistrer d'accident car, tombant de l'autre côté ou la partie est de la place, cette masse enflammée aurait causé des ravages aux maisons qui bordent la place.
L'incendie ne fut maitrisé que vers 22 heures. Une équipe de surveillance fut établie pour éviter toute reprise du feu. Dimanche encore, de la fumée s'élevant des débris du clocher, des hommes firent la chaine pour les inonder."

 

UN TEMOIN RACONTE

"J'étais au jardin en train d'arracher des haricots secs quand un gros nuage noir descendit sur le village. Je rentrai alors bien vite. Aussitôt un coup de tonnerre, un seul, éclata. Le Père CHAUSSET, le boulanger était à sa fenêtre et fixait le clocher. Qu'est-ce que tu regarde donc ? lui demanda sa femme, intriguée ... J'ai l'impression que le tonnerre est tombé sur l'église"

Quelques temps après une légère fumée s'échappait des ouvertures du clocher. Il courut chercher le Docteur qui se précipita avec son extincteur, mais en ouvrant la porte, une flamme énorme, alimentée par l'appel d'air, courut d'un bout a l'autre du toit. Tout s'est embrasé.

Rapidement sur les lieux, les pompiers protégèrent les maisons environnantes. Les carreaux risquant d'exploser avec la chaleur, tous les volets furent baissés. Les pompiers arrosaient constamment les toits. Des charbons incandescents et des flammèches risquaient d'étendre le sinistre.

Le clocher s'est écrasé vers 18 heures.

 

LES DEGATS

Du fin et majestueux clocher qui s'élevait à 55 mètres au-dessus du sol, il ne reste plus que la partie en pierre qui, vue de loin, a l'aspect d'un vieux donjon découronné et ajouré.

Quant à la toiture de la nef, elle aussi a été détruite en entier. Les voûtes de pierre, par bonheur, résistèrent à l'énorme surcharge de tous les matériaux enflammés et au bronze des 3 cloches qui fondirent. C'est à cette heureuse circonstance que l'on doit au sinistre de ne pas s'être propagé à l'intérieur de l'église qui est intact, à part les quelques dégâts causés par les avalanches d'eau qui furent déversées.

La partie principale de l'église, le choeur et le clocher avec sa croix en fer forgé, dataient de 1192.

Ajoutons que la toiture venait d'être refaite et qu'elle avait été réceptionnée une huitaine de jours auparavant. C'est la troisième fois depuis 40 ans que la foudre s'abat sur le clocher.

 

LA RECONSTRUCTION

Car bientôt, au miroir de la proche rivière,
Ira se refléter une flèche aussi fière
Que celle que pleuraient ses amis aux abois

Et gagnant le beffroi, dans leurs robes nouvelles
De bronze rajeuni, trois cloches aussi belles,
Retrouveront l'écho des familières voix.

Abbé E. Pilté

http://www.pierrefitte-sur-sauldre.fr/img/cata3.jpgLe 27 Février 1938, Monsieur le Maire, M.VILLOING, et les Membres du Conseil Municipal votaient à l'unanimité la réfection de l'église et la réédification de la flèche ancienne. Grâce à de nombreux dons, Monsieur l'Abbé ROUETTE réussissait à réunir en trois ans une somme importante (150.000 frs) qu'il remettait à la Municipalité et qui venait s'ajouter aux deniers publics.

En avril 1938, le Curé pouvait écrire : "Nous retrouverons donc notre église avec le double aspect intérieur et extérieur que nous lui connaissions et dent nous étions fiers." Seul changement extérieur, la hauteur du clocher qui, de 55 mètres avant la catastrophe, était ramenée à 50 mètres pour d'évidentes raisons économiques.

Le "Réveil Paroissial " exprimait sa satisfaction en ces tenues :

"Le clocher qui dresse de nouveau sa flèche audacieuse au-dessus de la plaine et des forêts avoisinantes, est désormais à l'abri de toute nouvelle atteinte de la foudre (on l'a doté d'un paratonnerre) et le chour de l'église a maintenant une "luminosité joyeuse". Le tabernacle doré, les boiseries du chour, le mobilier, les chapelles, la voûte en briques de la nef que soutiennent trois arceaux de pierre, tout a pris un caractère nouveau de jeunesse et de beauté ..."

La Maison BOLLEE d'Orléans fondait et installait les trois cloches.

Le 28 Avril 1940, 2000 ou 2500 personnes assistaient à l'inauguration de l'église et du clocher restaurés et à la bénédiction des trois nouvelles cloches.

http://www.pierrefitte-sur-sauldre.fr/img/cata4.jpgA cette occasion, les parrains et marraines, feu M. Paul GODEVILLE représenté par M. Jean FORET son beau-frère, Madame GODEVILLE, M. Bernard de LAAGE, Mlle DEZELLUS, M. André BERTIN, Madame BENARD, faisaient tour à tour, à la grande joie de l'assistance, tinter l'airain sonore. L'église retrouvait sa majestuosité d'antan, mais souffrira encore longtemps du sinistre.

En 1984, 50 ans après, la rosace effritée par la chaleur du foyer s'effondrait.

 

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